🌳 Forêt de Białowieża, à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne : zone de frictions intenses, où l'Union européenne se terre derrière des barbelés érigés à travers bois. Nina a grandi ici, mais rêve d'ailleurs. Alma a grandi ailleurs, mais rêve d'ici. Véra, ici, est venue se terrer et trouver la quiétude que son métier de journaliste ne permet plus en Biélorussie.
🌳 Pour ces trois femmes, la vaste forêt primaire, l'une des dernières du Vieux Continent, se fait tour à tour nid protecteur et impitoyable piège, sombre repaire et lumineuse clairière, fenêtre de liberté et mur infranchissable. Sans avoir conscience de l'existence l'une de l'autre, Nina, Alma et Véra sont tendues vers le même rêve, la même aspiration : vivre et être heureuse, sans rien demander de plus à personne. Mais qui peut prétendre être maître·sse de sa destinée ?
🌳 Pour raconter ces parcours de vies meurtries, Caroline Hinault invente une langue profonde, organique, puissamment poétique, irriguée de références à la Divine Comédie. C'est splendide et terrible, engagé sans faire l'impasse sur l'intime. Pas un mot de trop dans ce roman qui, sans rien édulcorer, n'oublie pas que l'espoir, malgré tout, existe et persiste.

🏄 La jeune fille qui raconte ici vibre d'impatience à l'idée de rencontrer ses prochaines vagues. Dans un décor tropical qui n'est pas sans rappeler La Réunion, mais qui pourrait aussi être un Pays basque onirique, elle s'avance vers le rivage et observe, pleine de respect, l'eau sur laquelle elle va jouer toute la journée. Dessus, dessous, debout, à plat ventre, la jeune fille fait de sa planche de surf un trait d'union avec l'océan, dans une symbiose aux allures de danse. On ressent à la lecture de cet album tout le bonheur que réservent les surprises d'un élément plus grand que soi, que l'on cherche non pas à dompter mais à apprivoiser.
🏄 Les nuances de bleu se teintent de doré puis d'orangé au fil des heures jubilatoires passées dans l'élément liquide. Avec ses textes brefs en bord de page, Pascale Moisset laisse la part belle aux dessins acrylique sur papier fort d'Yves Viallard. La texture du papier ressemble à s'y méprendre aux grains de l'écume qui mousse et vole, pour un rendu encore plus immersif. À lire dès 5 ans, si vous voulez partager votre passion (lexique technique à l'appui en pages de garde) – ou susciter une vocation !

🚘 Qu'il est ludique, de partir « sur les traces de » ! Catherine Faye et Marine Sanclemente, journalistes, avaient déjà tenté l’aventure dans le désert du Sahara (cf. « L’Année des deux dames », éditions Paulsen, 2020).
🚘 Leur tandem désormais bien rodé, elles se sont remises en route, cette fois aux États-Unis, cette fois sur les traces de Thelma et Louise. Rappelons que Thelma et Louise, ce sont les héroïnes hautes en couleurs du long-métrage éponyme de Ridley Scott. Il n’y a qu’à revoir ce road-movie de deux heures pour comprendre ce qui a motivé Catherine et Marine : actrices impétueuses, bande-son mythique, scènes de vie plus vraies que nature, paysages époustouflants… Autrement dit, l’Amérique dans toute sa démesure.
🚘 Ce qui intéresse le binôme français, c’est de retrouver les lieux de tournage, parfois réels, parfois juste mentionnés dans le film et n’ayant en fait jamais vu l’ombre d’un cameraman. Au-delà de la référence cinématographique, ce projet leur permet de s’interroger sur les États-Unis d’aujourd’hui. La problématique des armes. La place des minorités. La condition féminine, bien sûr. Les rencontres et observations racontées dans leur récit donnent à voir un pays aux clivages profonds, parfois alarmants, un pays dans lequel les distances, tant géographiques que sociales, sont tellement vertigineuses qu’elles semblent parfois indépassables.
🚘 Tour à tour analyse cinématographique, enquête sociologique et réflexion inter-générationnelle (Catherine et Marine ont 30 ans d’écart), le récit des deux amies se lit d’une traite, ou presque, et rend hommage à bien d’autres films, livres, penseurs. En donnant une furieuse envie de prendre la route, nous aussi.

🐥 Même quand on ne sait pas encore déchiffrer les lettres et les mots, on peut passer des heures dans un livre – par exemple, un bon cherche-et-trouve façon "Où est Charlie ?"
🐥 Cette fois, c'est le fameux loup dessiné par Éléonore Thuillier que l'on suit dans un grand périple autour du monde. Depuis la mégalopole (tiens, un nouveau mot rigolo !) jusqu'à la régate de Venise (oh, tous ces bateaux !), en passant par le carnaval de Rio (confettis à gogo !), la jungle (carnaval des animaux !), la Fête des Morts de Mexico (têtes de mort et sombreros !) et le désert (balades à dos de chameau !), il y a vraiment de quoi s'en mettre plein les mirettes !
🐥 Le principe est simple : sur chaque double-page, une grande scène fourmillant de vie. En bas de page, une frise qui présente une quarantaine de détails à retrouver dans l'image principale. C'est ludique, c'est punchy, c'est vibrant d'énergie ! En plus, les personnages aux bouilles d'animaux sont drôlement sympathiques. À La Géosphère en ce début de printemps, on a un gros faible pour la double-page consacrée à la Fête des Tulipes, en Hollande. Elle aura lieu pour de vrai le 20 avril, à Amsterdam. Aura-t-elle autant de couleurs que chez notre Loup au nez pointu ? Qu'en dites-vous ?

🖌️ Écrire à deux est un pari périlleux. Dessiner à deux l'est peut-être plus encore. Et pourtant, Emmanuel Lepage et Edmond Baudoin relèvent le défi. Avec brio, s'il vous plaît !
🖌️ Le point de départ, c'est de raconter leur projet d'observation des étoiles dans le désert d'Atacama. Mais leur livre va bien au-delà du simple récit de voyage. Un focus détaillé sur l'histoire récente du Chili se double d'une réflexion bouleversante sur le sens de la vie, Lepage (né en 1966) étant durement éprouvé par un cancer, tandis que Baudoin (né en 1942) fait l'expérience de la vieillesse. Et pourtant, ils évacuent tout pathos de leurs propos ! Leur pratique artistique donne lieu à un riche dialogue toujours curieux, jamais péremptoire. Face au traitement doux des couleurs, souvent encre ou sépia, que Lepage chérit de longue date, les dessins aux épais traits noirs de Baudoin ressortent dans un bel effet de contraste.
🖌️ Deux hommes, deux générations, deux techniques, pour un roman graphique puissant, où alternent visages et paysages, intérieurs et scènes de rue, intimité et militantisme. À lire et relire, pour apprécier pleinement la conjugaison de ces deux voix majeures de la scène BD contemporaine !