• 8 juin 2012

    A la vieille fille dont la jeunesse se fane sous l’égoïste regard des siens, au commerçant avare victime de la regrettable fécondité de sa femme, à l’adolescente amoureuse trahie par l’officier volage — sans parler des déçus du "rêve américain" qui reviennent de l’Eldorado plus misérables encore que naguère… —, à ces destins ingrats, à ces victimes du tragique ordinaire, Maria Messina rend le seul véritable hommage : celui d’une compassion qui soumet aux exigences de l’écriture la sincérité du témoignage.
    On trouvera à la fin de ce recueil les lettres que Maria Messina adressait à Giovanni Verga entre 1909 et 1919, où la romancière sicilienne — dont la vie fut aussi tragique que celle de ses personnages — confie à son "maître" ses espoirs, ses incertitudes et ses premiers succès.

    Née à Palerme, elle publie son premier livre en 19O9 et connait un succès
    croissant jusqu'à ce que la sclérose en plaque l'oblige à cesser toute activité dans les années 2O. Elle meurt oubliée en 1944 à Pistoia sous les bombardements.

    A la lecture de cette quatrième de couverture, j'étais curieuse de découvrir la plume de cette femme sicilienne au début du siècle dernier.

    Ce que je retiens surtout à la lecture de ces nouvelles, c'est le portrait de la Sicile et des siciliens en toile de fond. Une société qui repose dès le début du 20 ème siècle sur un code de l'honneur. Les femmes jouent un rôle particulier dans les familles. On s'intéresse peu à leur désirs mais plus à ce qu'elles représentent d'où l'intérêt porté, par exemple, à leur virginité avant le mariage.

    J'ai bien aimé retrouver la tendance proverbiale des siciliens à la discrétion voire au mutisme dans certaines nouvelles. Appréciée de son vivant par des romanciers comme Verga ou Borgese, elle sera redécouverte par Leonardo Sciascia, son compatriote sicilien. Il écrit :

    "La vie sicilienne, telle que la dépeint Maria Messina, n'offre ni paysages grandioses ni drames sanglants.
    Elle est toute en la mineur. Ce sont des "petits remous" dans une eau
    marécageuse où sans bruit, disparaissent des êtres qui n'ont meme pas la force de se plaindre."