Conseils de lecture
Les Mille et une nuits scandinaves
Danemark- XVIIIème siècle.
Jon, horloger de son état et originaire d'Islande, se voit confier la lourde tâche de restaurer une horloge de grande valeur. En effet, son créateur n'est autre qu' Isaac Habrecht, celui-là même qui conçut la magnifique horloge de la cathédrale de Strasbourg.
L'instrument, qui est conservé au château royal de Christiansborg, est en très mauvais état. Mais Jon, fasciné depuis toujours par l'ingéniosité et le talent d'Habrecht, éprouve une grande joie à tenter de rénover le mécanisme hors d'usage.
Il travaille en solitaire, interrompu par les visites inattendues du roi Christian VII. Face aux questions du souverain, Jon dévoile son histoire familiale et le tragique destin de son aïeul condamné à mort pour usurpation de paternité. Comme une version scandinave des Mille et une nuits, rencontre après rencontre l'artisan déroule le fil des événements jusqu'au destin funeste de son père. Mais ce qui se dessine en arrière plan, c'est la vie rude en terre d'Islande dominée par le pouvoir et l'application cruelle des lois imposées par le Danemark. L'horloger, un peu naïf, ne réalise que tardivement l'impact que son récit a sur Christian VII. On chuchote que ce dernier commence à perdre la tête. Il alterne des phases agressives et d'autres mélancoliques.
La cour est en émoi, l'artisan reçoit des menaces. Doit-il poursuivre son récit ?
On plonge dans l'histoire rude de l'Islande et dans celle de la cour royale du Danemark : intrigues, secrets, trahisons mais aussi histoires d'amours affleurent, se croisent. Les événements s'imbriquent parfaitement et impulsent du rythme à la narration. Comme Jon qui minutieusement reconstitue chaque pièce du mécanisme pour redonner vie à cette magnifique horloge, Arnaldur Indridason a su construire patiemment et avec ingéniosité un récit captivant et émouvant.
Vous connaissez probablement Varlam Chalamov, grand écrivain du Goulag, qui nous bouleverse encore aujourd'hui avec ses « Récits de la Kolyma ». Mais est-ce que vous connaissez Varlam, le chat Sibérien ? Non ? Alors, il est grand temps de vous plonger dans ce magnifique récit de Michael Prazan. A la fois récit de voyage, document-témoignage et roman, « Varlam » nous plonge aux côtés de l'écrivain/réalisateur, sur la route des ossements, qui relie Yakoutsk à Magadan (Sibérie orientale). Afin de réaliser un documentaire sur les Goulags, Michael Prazan, Asia Kovrigina, et leur équipe partent recueillir de nombreux témoignages dans la Kolyma. Lors d'un trajet, ils aperçoivent un chat sur le bord de la route. Il fait -50°C, il n'y a aucune habitation sur plusieurs kilomètres, le chat est promis à un funeste destin. Ils décident donc de le secourir. Le prénom va de soi : Varlam, en hommage à Chalamov. Ce petit miraculé va les accompagner dans leur quête.
« Varlam » est un roman qui nous touche à plusieurs niveaux. Tout d'abord, la description retranscrit parfaitement l'ambivalence des paysages Sibériens, terriblement beaux et hostiles. Tout en voyageant, nous en apprenons beaucoup sur l'histoire des camps, et la mémoire qui en est faite encore aujourd'hui. Mémoire collective qui subsiste notamment grâce au travail monumental de l'Association Mémorial. En liant l'histoire d'hier et d'aujourd'hui, Michael Prazan nous offre un portrait précis et juste de la Russie et de sa politique. Enfin, et surtout, la relation entre l'auteur et Varlam (le chat, pas l'écrivain !) est tellement sincère et touchante, et qu'on ne peut y voir là qu'un magnifique message d'espoir, une lumière dans les ténèbres. Une humanité et une bonté qui survit à tout.
Avec une très grande maîtrise, Janice Galloway nous livre un roman lucide, attachant et immersif sur l'inconsolation.
Joy, enseignante en arts dramatiques, perd son amant alors qu'ils sont ensemble en vacances. Elle retourne chez elle sidérée, esseulée et peine à faire son deuil. Ce processus est d'autant plus difficile pour elle car elle reste aux yeux de tous « l'illégitime », celle dont personne ne veut parler, celle que personne ne veut écouter. Avec un regard décalé, parfois drôle, toujours sensible, Joy nous livre son journal de deuil. Ses interactions sociales, son quotidien qu'elle semble vivre de l'extérieur, sont toujours sujets à l'introspection et aux souvenirs. Joy tente de garder la tête hors de l'eau... Mais tout semble l'inviter à replonger.
Avec des jeux d'écriture, de typographie et de structure, Janice Galloway réussit à nous immerger complètement dans la tête de Joy et nous invite à comprendre sa dépression. C'est un roman plein de nuances : nous y trouvons de la douceur mêlée à de la cruauté, un fatalisme amusant, un désespoir plein de vie, une hypersensibilité flegmatique. L'autrice nous dresse le portrait d'une femme inconsolable, qui cherche à se réadapter. La route est longue.
« Penser à respirer » est un livre singulier et original, déroutant et sensible, qui saura longtemps vous habiter.
En découpe sur un désert sans fin, la fière cité de Ziran est comme un Eldorado pour Malik et ses sœurs. Mais là où ielles espéraient trouver des moyens d'aider leur famille, c'est la peur et les menaces qui vont les cueillir.
Pour sauver sa jeune sœur de la cruauté d'un démon ancestral, Malik va devoir affronter son esprit tourmenté, sa magie étouffée et, surtout, l'inconditionnel charme de Karina, qu'il doit tuer.
Karina, princesse héritière de Ziran, bien contre son gré. Loin de prendre au sérieux ce rôle qui revenait à sa défunte sœur, elle doit pourtant l'assumer quand sa mère, la Crécerelle, se fait assassiner sous ses yeux. Portée par le chagrin, elle décide de faire appel aux magies les plus sombres pour la ressusciter. Il lui manque juste, pour cela, le cœur d'un roi.
Une semaine, soit la durée du festival bis-centenaire de Solstasia. A peine quelques jours sacrés pendant lesquels se tient le tournoi qui décidera de la divinité patronnesse de la nouvelle ère. C'est le temps qu'a Malik pour sauver sa sœur. Le temps qu'a Karina pour sauver sa mère.
Sur fond de mythologie d'inspiration africaine, "Le chant des sans-repos" est entraînant, inlassable et captivant. Dans l'énergie de leur désespoir, nos deux héro·ïne·s sont ouvertement faillibles, ce qui les rend incontestablement aussi touchant·e·s qu'agaçant·e·s.
On veut les secouer quand ielles paniquent, les relever quand ielles s'effondrent, les encourager quand ielles avancent. Et à chaque rebondissements qui les submergent, on a à peine le temps de reprendre son souffle que déjà, le récit se déroule à nouveau dans un maëlstrom de surprises pour viser, on imagine, le statut de légende.
De l'ombre à la lumière
Dans ce roman en trois parties, nous partons à la découverte de la vie de Tolian, rappeur célèbre en Russie.
Nous le découvrons dans les bas-fonds de Rostov-sur-le-Don, dans les années 90, alors que la chute de l'URSS laisse place à toutes sortes de trafics et que la lutte pour survivre est âpre. Il se fait surnommer Pistoletto. Loyal mais maladroit, peu sûr de lui et surtout en proie aux addictions diverses, Pistoletto se retrouve embarqué dans toutes sortes de combines. On lui a fait comprendre que son addiction ne le quittera jamais, et qu'il devra toujours vivre avec, comme un membre absent. Pour tenter de se retrouver, il devient troudnik (personne extérieur à un monastère qui fait le vœu d'y travailler pendant un, deux ou trois ans). Loin de tout, il va tenter de se reconnecter à des bases plus saines, et y fait une rencontre décisive.
Enfin, on le découvre un peu plus tard, le succès ayant enfin frappé à sa porte. Il se fait appeler Booster, et ses raps font le tour de la Russie.
Plein d'humanité, ce roman raconte le passage de l'ombre à la lumière d'un homme sensible, qui a commencé sa vie en prenant les mauvaises décisions, pour les bonnes raisons. Son humanité, son sens de la justice et du sacrifice, ainsi que son talent, vont finir par le sauver. C'est le roman d'une génération à-priori perdue, mais dont la rédemption reste possible.
Pour écrire ce livre, l'auteur, Andreï Guelassimov, s'est inspiré de la vie du rappeur « Basta », le titre « Purextase » ЧК (Чистый Кайф) est d'ailleurs inspiré d'une de ses chansons. D'autres parcourent le roman.