Un premier roman à ne pas manquer
Dans son petit village perdue, Rose ne s'en laisse pas compter. Elle n'a aucunement l'intention de terminer comme ses camarades : mariée, mère de famille qui s'effacerait pour le bien du père et des enfants. Elle a des rêves plein la tête, des idées folles de liberté. Mais c'était sans compter le petit accordéoniste revenu de la guerre, celui-là sait faire battre son cœur et la rendre toute chose. La voilà casée finalement ! Hélas la guerre rode et l'amoureux, bien trop vite, repart défendre son beau pays la laissant seule avec une petite fille et ses rêves inachevées. On s'en doute, Rose trouvera son propre chemin qui l'amènera aussi à se redécouvrir.
Voici un magnifique premier roman en cette rentrée littéraire. Récit allégorique sur l'émancipation qui nous fait suivre le destin émouvant de Rose au milieu d'une France occupée par des « Salauds », dans une guerre qui n'a pas de nom mais qui ressemble tant à toutes les autres.
Une très belle mise en abyme
Harry, auteur en mal d'inspiration achète sur un coup de tête une maison dans un village isolé, histoire de voir s'il peut retrouver l'inspiration dans la solitude de la nature. C'est sans compter l'hiver et la neige omniprésente, les bruits étranges qui proviennent de la maison de son plus proche voisin, les souris qui envahissent tout et cet étrange chien qui l'a adopté. Il règne dans ces lieux un étrange malaise. Sa rencontre avec l'épicière du village, Sofia l'amèneront peut-être à trouver les mots à coucher sur le papier? Encore faut-il apprivoiser la jeune fille ...
Caleb, homme de la terre, un peu sorcier vit à part des hommes, seul dans sa maison à s'occuper des bêtes. Il écoute les voix de la nature, de la terre et surtout les conseils de sa mère décédée qui possède encore une emprise très forte sur lui.
Chaque chapitre donne la voix, en alternance, à ces deux hommes dont le destin va se retrouver lié d'une étrange manière.
Franck Bouysse excelle comme toujours à retranscrire une atmosphère, des sensations à travers l'écriture de chacun de ses romans. Dans l'homme peuplé, la narration s'étire, lente comme cet hiver qui n'en finit pas. Le rythme va s'accélérant jusqu'au final surprenant et bouleversant.
Disparition étrange au phare de Maiden Rock
1972. Stupeur, au moment de la relève des gardiens du phare de Maiden Rock, au large de la Cornouaille, les trois employés censés être sur place ont disparu. La porte est verrouillée de l'intérieur. Il n'y a aucune trace de sang ni de lutte.
Vingt ans ans plus tard, un journaliste décide de se pencher sur ce mystère non résolu. Il interroge les trois compagnes des gardiens disparus. Au fur et à mesure des chapitres qui donnent voix à chacun des protagonistes, sous forme de monologue, le lecteur récolte des indices qui vont peu à peu lui permettre de comprendre ce qui se serait passé ce jour là.
Réticentes dans un premier temps à revenir sur ces moments douloureux, Helen, Jenny et Michelle vont peu à peu se libérer par les mots du poids de leur deuil, de la culpabilité et de l'incompréhension face à cette disparition. En parallèle, comme en écho, l'auteure donne la parole aux trois gardiens jusqu'au jour fatidique.
Emma Stonex livre ici un premier roman particulièrement intense et réussi. Dans ce récit d'introspection, elle décortique le couple, les attentes déçues, les incompréhensions et les non dits qui s'installent. Elle retranscrit également avec réalisme la difficulté de l'absence et de l'attente.
Une histoire improbable?
On pourrait se croire dans un livre de Marcel Pagnol mais ne vous y trompez pas ! Le narrateur, un jeune garçon un peu simplet, nous décrit son petit monde de son œil très aiguisé : la copine de classe Gwendo franco-anglaise, le meilleur ami souffre-douleur de l'école, que tout le monde appelle Jean Jean car il bégaye, sa mère qui se démène tant bien que mal pour joindre les deux bouts depuis le décès du père... Mais un événement improbable va alors bousculer l'ordre du monde. Plus aucun être humain n'apparaît sur les tirages photographiques, au cinéma et même à la télévision ! Les médias s'emparent de cette histoire ; tout le monde s'affole mais au bout de quelque temps, on finit par s'y habituer. Et on s'adapte. Les dessins remplacent les photos d'identité, on filme une reproduction grandeur nature du présentateur au moment du journal télévisé.
Mais, fait bien plus grave, on réalise au bout de quelques temps que les gens photographiés ou filmés un siècle plus tôt réapparaissent sur notre planète comme une pluie de grêlons projetée d'un nuage ou « cloud » où serait stockée chaque image. C'est l'effervescence, les meilleurs scientifiques tentent de calculer les trajectoires de retour de ces personnes. Imaginez la cohue pour accueillir « le grêlon » d'Arthur Rimbaud ! Très vite le nombre de ces retours augmente accompagnant l'essor considérable pris par la photographie. Que faire de toutes ces personnes revenues ?
En abordant un fait qui peut sembler anecdotique, Olivier Mak-Bouchard excelle à développer une réflexion sur notre humanité et les failles de notre société. Le décalage entre le ton un peu naïf du narrateur et le sujet bien plus grave qu'il n'y paraît renforce encore cette prise de conscience pour le lecteur.
Le temps des grêlons est le deuxième ouvrage de cet auteur après le déjà très atypique « Dit du Mistral ». On attend la suite de ses écrits avec impatience.
Au cœur d'une réserve indienne des Appalaches, Ray mène une vie solitaire. Sa femme est décédée d'un cancer quelques années plus tôt et il ne voit son fils toxicomane que pour le récupérer au poste de police.
Cette fois-ci, l'appel qu'il reçoit d'un dealer de drogue est à prendre au sérieux : Dix mille dollars de dette à rembourser pour récupérer son fils vivant. Le deal est non négociable. Ray s'exécute mais en lui quelque chose monte ; un désir de rétablir l'ordre naturel des choses et de rendre justice.
A l'image des terribles incendies qui ravagent les forêts de la région, son existence et celles de ses semblables semblent partir en flammes, vouées à une extinction certaine.
Au loin les coyotes hurlent et se répondent à l'infini pour battre le rappel. Ray, lui, crie vengeance pour toutes ses vies abîmées par la drogue et la corruption. Aidé d'un vieil ami, il lance une opération coup de poing pour éveiller les consciences.
On ne ressort pas indemne d'une lecture de David Joy. Doté d'un talent rare, son écriture parfaitement maîtrisée est éblouissante. Ce roman noir et pourtant lumineux ne manquera pas de vous subjuguer.