Pascale B.

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24 août 2022

Léa dans l’ombre

29 septembre 1933, Cours d’assises du Mans.
Maître Germaine Brière, secondée par son fidèle ami Pierre, finit sa plaidoirie dans l’affaire des sœurs Papin, 8 mois après le double meurtre qu’elles ont commis sur des bourgeois. Acte de folie ? crime de colère ?
En attendant les délibérations, retour sur le parcours de cette brillante avocate, au fort tempérament, ce qui fait d’elle l’icône de la défense du petit peuple ; ses études, son statut de femme dans le milieu professionnel, sa vie familiale et amoureuse, ses faiblesses… « Félix n’était pas son amant mais son aimant »

La partie juridique est accessible et romancée d’une belle plume fluide et lisible. Julia Minkowski reconstitue l’étrange ambiance qui devait régner chez les victimes, se passionne pour le passage à l’acte et son pourquoi, décrypte les signes avant-coureurs qui font plaider la folie par l’avocate. Les descriptions des autres affaires sont tout aussi captivantes car imprégnées d’une exaltation à traiter les problèmes des autres au détriment de ses propres secrets.

« Le décès brutal de son amie avait été la première véritable injustice à laquelle elle avait été confrontée.
« Jamais je n’aurai cru que les coquelicots cesseraient de fleurir »

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24 août 2022

Chevalier de l’ordre de la couronne d’Italie

Michela ou Maria, c’est 20 ans de psychanalyse, une anamnèse complexe depuis l’âge de 3 ans, un concentré de doutes, l’incapacité d’être mère…. La découverte de la véritable identité d’un grand père fasciste convaincu l’entraîne dans une impitoyable chasse aux preuves perçant l’intimité et les secrets de l’aïeul.
Documents, cartes, photos, carnets, courriers, médailles …. Tout un patrimoine de mémoire familiale en écho avec l’Histoire du pays.
Autoportrait ou mémoire familial lié aux implications historiques, croisé de parenthèses psychologiques et personnelles.
Roman intime et sincère où Michela Marzano excelle à décrire les retentissements psychologiques, malaises et tourments d’une femme face aux manquements des anciens.
Réflexion fluide mais avec des longueurs, une mise à nu très concentrée dans ce dialogue avec soi-même.

« Aussi destructeur que le pouvoir des mots que mon père jetait comme des pierres contre ma mère et sa famille »

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23 août 2022

Le pistard

Le récit commence par un drame quand Liam revenant de la chasse découvre sa femme apparemment tuée par un ours, son fils Aru de 5 ans rescapé.
Le lecteur fait connaissance avec Liam, chasseur invétéré, marqué par une enfance à la trique et à l’alcool, qui ne sait pas aimer, se nourrissant de la montagne ; puis Aru enfant taiseux, désiré par une mère perdue à jamais.
L’histoire devient alors un face à face entre un père non traditionnel et son fils qu’il doit soudain inscrire dans son existence.
Sandrine Collette installe son intrigue sur deux phases psychologiques et ambivalentes, dans un huis-clos et une longue traversée du désert pour les deux protagonistes

Écriture vive, intégrant la nature et les animaux sauvages (l’auteur connaît si bien les chevaux !), langage brutal bousculant le lecteur dans ce huis-clos déterminant, un beau et chaotique récit sur la paternité et filiation où un enfant « fait le loup »

20,90
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23 août 2022

Danse cher Ami

Quelques jours entre fin juillet et début août 1914, la France en effervescence est aspirée par la mécanique de la guerre.
Dans la famille Rougier, le père misogyne, autodidacte capitaliste règne, la mère s’efface et se fane, le fils Charles rêve et explore, la sœur Jeanne s’émancipe….
La fratrie s’adore et partage leur ouverture au monde, leur gout pour la littérature et la culture. Alors que Charles se laisse étouffer par le père, Jeanne s’y oppose s’épanouissant dans des études supérieures, militante socialiste idéalisant le destin de l’humanité.

Mais la mobilisation change la donne. Son amoureux Marius (Ange, Aimé) déserte et son frère part à la guerre. Jeanne qui accompagnait Jaurès pour sauver le monde part sur le front engagée comme infirmière pour sauver son frère

Philippe Hayat nous invite dans une quête haletante et courageuse menée par une femme d’action convaincue bravant l’apocalypse, n’épargne au lecteur aucun visuel de ces corps décimés ou amochés, de l’absurdité de la guerre.
Le récit est adouci par quelques lettres écrites, témoignages d’Amour, par Jeanne qui aimerait tant purger sa mémoire de toutes ces horreurs.

Très bien écrit, une lecture progressivement accaparante.

« Les soldats ont appris à s’assoupir entre deux marches. Les infirmières, elles, ne s’arrêtent jamais »
« Le délivrer du monde, c’est l’aimer davantage »

21,90
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23 août 2022

La solitude peuplée par les autres

Une mésange charbonnière, un hameau, deux maisons, un puits, un hiver sinistre et glacial dans la combe.

Récit atmosphérique, chassé-croisé entre le présent et le passé, sous la forme d’une narration alternée entre Harry et Caleb, voisins isolés dans les terres.

Caleb supposé sorcier et guérisseur, solitaire et marginal, à qui sa mère a appris à ne se fier qu’à la terre et aux bêtes. Ce sont les animaux qui donnent l’heure….
Harry, écrivain dont le doute est devenu plus grand que l’envie, s’installant dans la maison d’en face en plein brouillard.

Dans cet environnement hostile, froid et pesant, les fantômes du passé alimentent l’écriture de Franck Bouysse. Des personnages que tout semble séparer mais il n’y pas de hasard pour l’auteur qui nous amène au plus près des animaux, dans un milieu rude où la communication entre Hommes est rugueuse voire assassine, où s’immisce la présence féminine.

Lecture rapide, fluide et prenante ; le lecteur est absorbé par les personnages et leurs secrets, leurs forfaits. Franck Bouysse entretient le mystère de ces vies fantômes diffusant les indices peu à peu. Seuls les mots ont le devoir de réanimer le passé et d’y opposer une vengeance dans un présent peuplé de fantômes. L’accélération du récit donne un nouveau souffle au lecteur

Énigmatique et chimérique ; d’une poésie éblouissante.

« La détonation perfore ses tympans… il a un peu honte d’avoir dérangé le silence »

« J’avais voulu mourir à cinq ans, pensant que ce serait toujours ça de fait »

« Le chien reparaît, craché par la brume »